Dans un avis rendu le 10 juillet 2019, le Conseil d’Etat a apporté un éclairage bienvenu sur la possibilité de justifier des taux d’intérêts appliqués aux prêts intragroupe au moyen d’études portant sur des émissions obligataires (ci-après le référentiel obligataire), à défaut de preuves constituées par des prêts consentis par des établissements financiers.
Pour rappel, dès lors qu’un contribuable souhaite appliquer un taux supérieur au taux de référence défini par l’article 39-1-3° du CGI, il doit, conformément aux dispositions de l’article 212-I du CGI, démontrer que le taux qu’il applique est équivalent à celui qui aurait pu être obtenu d’établissements ou organismes financiers indépendants, au risque de voir remettre en cause la déduction de la fraction excédentaire des intérêts appliqués par rapport au taux légal.
La jurisprudence du Conseil d’Etat[1] avait classiquement admis qu’un contribuable produisant des éléments précis, remplissait son obligation de justification de la déductibilité d’une charge. Pour autant l’administration, s’appuyant sur une doctrine administrative[2] rédigée de manière très restrictive, et se sentant confortée a posteriori par des jurisprudences récentes de première instance, a dans de nombreux cas rejeté le recours au référentiel obligataire[3] en ce qui concerne la justification des taux d’intérêts de prêts intragroupe.
C’est dans ce contexte que s’inscrit le présent avis du Conseil d’Etat.
En effet, dans une affaire récente où le contribuable, pour justifier la normalité du taux d’intérêt appliqué par une société liée, avait présenté une étude de comparables basée pour partie sur des émissions obligataires réalisées sur la même période par des émetteurs ayant une note de crédit comparable, le Tribunal a décidé de sursoir à statuer et a saisi le Conseil d’Etat pour qu’il rende son avis à ce sujet.
Le Conseil d’Etat a apporté un éclairage intéressant sur cette question.
La Haute juridiction a tout d’abord rappelé que si la charge de la preuve de la normalité du taux pèse sur le contribuable, ce dernier « a la faculté d’apporter cette preuve par tout moyen ».
A ce titre et afin de justifier la normalité du taux appliqué, le Conseil d’Etat souligne qu’il est possible, « le cas échéant [de] tenir compte d’emprunts obligataires émanant d’entreprises se trouvant dans des conditions économiques comparables, lorsque ces emprunts constituent, dans l’hypothèse considérée, une alternative réaliste à un prêt ».
Bien qu’il soit indiqué dans cet avis qu’il existe une différence de nature entre un prêt souscrit auprès d’établissements ou organismes financiers et un financement par émission obligataire, il en ressort que des analyses portant sur des emprunts obligataires ne peuvent pas être rejetées par principe dans le cadre de la justification de la rémunération d’un prêt intragroupe dès lors que le recours à ces derniers comme élément de comparaison est justifié.
Cet avis n’indique pas plus précisément ce qu’il convient d’entendre par alternative réaliste mais on peut supposer que les entreprises devront être en mesure de montrer que si elles avaient recouru au marché obligataire pour se financer, elles auraient obtenu de ce fait des taux d’intérêt comparables. Elles peuvent, pour ce faire, utiliser les informations concernant des emprunts obligataires émis par des entreprises se trouvant dans des conditions économiques comparables (particulièrement en termes de risque de crédit).
Il conviendra néanmoins de suivre avec attention l’interprétation de cet avis par l’administration et la position des juges sur la notion d’alternative réaliste, qui sera sujette à n’en pas douter, à de nombreuses discussions.
Le département Prix de Transfert
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[1] CE, 20 juin 2003, n°232832, LeBreton
[2] BOI-IS-BASE-35-20-10-20140415, n°100 et n°110
[3] CAA Paris, 31 décembre 2018, n°17PA03018, WB Ambassador
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