Dans un arrêt rendu le 19 avril 2022, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la thématique de l’abus de droit lié aux opérations d’apport-cession appliquées aux réinvestissements dans des biens immobiliers affectés à des activités locatives (CE, 19 avril 2022, n°442946).
Un contribuable s’était inscrit dans le schéma classique d’apport-cession consistant à (i) apporter pour leur valeur vénale les titres d’une société à une société holding qu’il contrôlait, laquelle (ii) avait ensuite cédé lesdits titres sans générer de plus-value compte tenu du très court délai entre l’apport et la cession (moins d’un mois). Afin de faire obstacle au grief de l’abus de droit, ce même contribuable entendait se prévaloir du réinvestissement du produit de cession par sa holding dans l’acquisition d’un plateau à aménager en vue d’une location meublée. En effet, dès avant la réforme de 2012 ayant instauré le régime du report d’imposition de l’article 150-0 B ter du CGI, la jurisprudence avait écarté l’abus de droit pour ce type de schéma sous réserve que la société bénéficiaire de l’apport réinvestisse une partie du gain de cession dans une activité à « caractère économique ».
Le Conseil d’Etat confirme que le réinvestissement dans une activité de location meublée ne relève pas en soi d’une activité à caractère économique. Toutefois, il admet que revêtent un caractère économique les activités de « parahôtellerie » ou les locations impliquant « la mise en œuvre d’importants moyens matériels et humains ».
Bien que cette décision ait été rendue sous l’empire régime d’apport-cession encadré par la jurisprudence, la position retenue devrait être transposable au nouveau dispositif mis en place en 2012[1].
L’enjeu de la décision
Dans la continuité des règles édictées en matière de TVA, cet arrêt confirme que la location para-hotellière (location assortie de services proposés au locataire dans des conditions similaires à l’hôtellerie) relève également du champ (certes flou) de l’activité « économique » et non de la gestion passive pour les besoins d’application du régime d’imposition des plus-values des particuliers. La prudence reste de mise toutefois, les solutions de parahôtellerie « light » admises en matière de TVA pourraient faire l’objet d’une analyse plus exigeante lors de la mise en œuvre d’un dispositif anti-abus comme l’article 150-0 B ter. Une réelle intention professionnalisante de l’exploitation immobilière devra être démontrée.
Une ouverture intéressante est faite par le Conseil d’Etat : l’arrêt vise également les locations impliquant pour le contribuable « la mise en œuvre d’importants moyens matériels et humains ». Ici encore, il conviendra d’anticiper les discussions avec l’administration sur la nature et la consistance des « moyens utilisés ». Concrètement, un investissement dans une activité locative comportant du personnel et un réel engagement direct, financier de la part de l’exploitant devra être recherché. Le recours à la sous-traitance devra être circonstancié.
Il sera judicieux d’anticiper une demande de rescrit auprès de l’administration afin de sécuriser l’éligibilité d’activités locatives. Une présentation précise et détaillée du réinvestissement envisagé donnerait l’occasion à l’administration de se prononcer sur l’étendue de cette notion d’« importants moyens humains et matériels ».
Equipe Immobilier
Mai 2022
[1] Rapport, Commission des Finances, de l’économie générale et contrôle budgétaire sur le projet loi de finances rectificative pour 2012 (n° 403),
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